Concertation publique RLPm : les propositions de RAP Nantes

Détail de la contribution

La publicité est un moteur de vente pour les entreprises, 31 milliard d’euros (voir conclusion pour les sources) à en France, sont dépensés par an en publicité et marketing, et les résultats sont là : une campagne de communication augmente les ventes dans un court terme. Mais la publicité ne fait pas que seulement convaincre le consommateur d’acheter tel téléphone plutôt qu’un autre alors qu’il avait besoin d’un téléphone. Elle influence plus généralement le désir, en donnant envie de produits non nécessaires, et en jouant avec les goûts et les modes. D’un point de vue commercial, certes, c’est efficace, mais nous pensons que les valeurs et comportements promus par la publicité ne sont pas aux bénéfices de tous, encore moins à moyen terme d’un point de vue environnemental.

Le RLPm a beau être un document technique, la réglementation publicitaire n’en est pas moins un sujet politique, qui a de profondes incidences sur la vie dans la métropole et en société.

Dissonance entre message publicitaire et enjeux environnementaux et de santé publique.

D’après l’ADEME, 88 % des Français changent de smartphone alors que l’actuel fonctionne encore. On peut raisonnablement penser que cela est dû aux messages publicitaires qui incitent, sous prétexte de telle innovation mineure ou un design à la mode de l’année, à changer pour la version plus moderne du smartphone. L’obsolescence n’a plus besoin d’être programmée, elle est stimulée par le marketing. Comment justifier cela au regard de la des enjeux climatique (dérèglement, problèmes de pollutions dus au plastique, à l’extraction de ressources, etc.). Il faut croire qu’à certaines injonctions paradoxales, la publicité est plus convaincante. La publicité incite à la surconsommation, une consommation non responsable, ce qui est néfaste pour l’environnement. Mais cette surconsommation est aussi néfaste pour la santé.

Cet imaginaire de plaisirs et de joie sans contrainte offerts par la consommation est largement entretenu par la publicité. Trois constructeurs automobiles sont parmi les 10 plus gros annonceurs en dépenses publicitaire en France. Aujourd’hui principalement dédié à promouvoir les SUV ; ces véhicules plus gros et plus lourd, plus polluant qu’une citadine classique. De la même manière, une pulsion de fast-food reste solidement ancrée dans vos esprits puisque McDonald’s Burger King et KFC ont dépensé 350 millions d’euros de publicité en France. De quoi les rendre omniprésents dans le paysage urbain et médiatique.

Les problèmes éthiques posés par la publicité sont nombreux : stéréotypes, marchandisation, objectivisation des corps, notamment des femmes, incitation à la le surconsommation ou à des comportements non civiques. Il faut donc changer d’imaginaire, celui proposé par la publicité n’est pas soutenable.

Développons l’économie locale

Les communes veulent dynamiser leur centre-ville, qui est en concurrence avec les gros centres commerciaux remplis de multinationales en périphérie ou les grands sites de vente en ligne. Les afficheurs se glorifient parfois de favoriser le petits commerces, de participer au développement de l’économie locale. Hors une étude du collectif Plein la vue de Lyon montre que quasiment aucun commerçant indépendant n’a fait de la publicité sur les panneaux de 2m2, 8m2 et 12m2. À Nantes nous avons aussi tenté un relevé sur le mobilier urbain du centre-ville en septembre 2020. Même s’il a été réalisé sur une période trop courte pour en tirer de vraies conclusions, nous n’avons vu aucune publicité pour un commerçant indépendant.

En France, en 2014, environ 600 entreprises représentent 80 % des dépenses publicitaires ; on devine bien que la pub n’est pas du côté des petits commerces. Au contraire, cet affichage incite à se déplacer en périphérie pour se rendre en grandes surfaces voire à acheter sur internet. Ces lieux ne sont dédiés qu’à la consommation, et non à la rencontre, à la culture, aux échanges etc. Les centres-villes de la métropole prennent le risque de se voir vidés de commerçants, d’activité, de vie. Notre collectif déplore ce déséquilibre entre les petits commerçants et les grands groupes en terme de répartition de l’espace publicitaire.

Certes, une certaine partie de l’activité culturelle ou municipale est diffusée sur ces affichages, ils sont même légalement présent à 50 % sur le mobilier urbain. Mais bien souvent relégués au côté le moins visible, voire contre un mur ou un arbre. De plus, même si le fond d’une publicité est néfaste, le support en lui-même est tout autant gênant visuellement, indépendamment de son contenu.

Le RLPm peut rééquilibrer la balance, d’une part en diminuant le nombre global de dispositifs publicitaires. D’autre part en créant un réseau d’affichage respectueux visuellement, et dédié aux commerçants et autres activités locales ainsi qu’à l’actualité culturelle.

Nantes ville apaisée

Nous pensons que l’affichage publicitaire enlaidi la ville, et la loi aussi puisque que le RLP a pour objectif la protection du cadre de vie. Ce document reconnait donc que la publicité va à l’encontre d’un cadre de vie agréable.

La ville apaisée souhaitée par la métropole passe par la réduction de plusieurs nuisances. La publicité en est une. Selon les comptes, nous sommes soumis à entre 360 et 2000 messages publicitaires par jour. C’est un choix politique fort que de faire de la ville, l’espace publique, un espace préservé de sollicitations commerciales permanentes, un lieu de repos visuel sans les nombreux écrans que nous regardons déjà, que ce soit pour le loisir ou le travail. En ville, nous devons avoir le choix de ne pas voir la publicité si nous ne voulons pas la voir, ce qui n’est pas le cas quand les panneaux, qu’ils soient grands, lumineux ou même animés, bordent nos routes et nos rues.

Quelle ville a un jour tenté de se promouvoir auprès des touristes en vantant son exceptionnel parc publicitaire ? Lorsque la gare et la place devant le jardin des plantes étaient en travaux, afin de donner envie sur les visuels prévisionnels en image de synthèses, on a vu des gens flâner, des végétaux, des bancs, mais bizarrement pas de publicités, encore moins d’écrans numériques. Pourtant ils sont bien là (même si RAP a réussi à en faire rester un sous terre !) et difficile d’y échapper une fois les travaux finis.

Bref la publicité est, au mieux tolérée, parce qu’elle apporte un revenu à ceux qui la diffusent, elle n’en est pour autant rarement sollicitée. Actuellement, certaines zones sont protégées, les zones touristiques, ou les zones patrimoniales. Cela signifie qu’on en protège certaines, mais qu’inversement, d’autres sont délaissées ? Mais il n’y a pas que les habitants des quartiers centraux ou les badauds qui viennent y flâner qui ont le droit d’avoir moins de pub. Chaque habitant-e, n’importe où qu’il-elle habite a le droit au respect de son cadre de vie. Diminuons donc la pression publicitaire uniformément sur la métropole.

Nos propositions

Règle de densité

Afin d’éviter les tunnels de pub de certains axes périphérique ou proche de centre commerciaux, provoquant une impression de matraquage, nous proposons d’instituer une règle de densité.

1 support pour 2000 habitants Pas plus de 3 supports (hors enseignes et pré enseigne) visible d’un même point de vue. Le mobilier urbain d’information doit être soumis aux même règles que les publicités, étant donné qu’ils présentent le même aspect.

Limitation de taille

Afin de limiter l’impression d’omniprésence de la publicité, et de rétablir son visionnage en un acte volontaire et non de soumission à la publicité, nous préconisons de limiter la taille maximum des supports à 2 m² ainsi qu’une hauteur maximal par rapport au sol de 2,5 m. La taille est calculée support inclus.

Des panneaux uniquement typographiques ou sobrement illustrés peuvent être créés pour indiquer la proximité de commerces locaux.

La publicité sur transport en commun

En 2019, la TAN a mené une consultation pour connaître l’avis des usagers sur leur tram (https:// www.tram2demain.fr/) . Un des éléments qui ressortait étant le désir de moins de publicité, en particulier sur le tram. En effet la taille de ces publicités géantes est difficilement à mettre du côté de la sobriété ou de l’art en ville, contrairement à certaines initiative de design de tram. On peut aussi citer cette initiative de la RATP qui avait demandé en 2016 à ses usagers leurs idées pour « améliorer les services de demain ». Les propositions les plus votées, loin devant les autres proposait de supprimer les écrans de pub, et l’autre de supprimer la publicité. Même si la pression publicitaire est sans commune mesure à Paris, c’est une volonté forte que de réduire la publicité dans l’espace parcouru chaque jour.

Nous proposons, comme c’est le cas à Paris, d’interdire le pelliculage de vitre des véhicules, en particulier de transport en commun, dont le tram.

La publicité lumineuse, en particulier les écrans

Catalysant les exaspérations de la publicité, il faut légiférer sur ces installations.

Les mails que nous recevons pour demander comment agir contre telle ou telle publicité concernent en 3ème place la publicité dans les boites à lettre, en 2 les enseignes éclairée la nuit, et en top 1, les écrans numériques publicitaires.

Pour les afficheurs, ici JCDecaux, ce sont des supports qui permettent d’être très agiles, mais surtout très rentables car beaucoup d’annonceurs se succèdent facilement. Auprès des annonceurs, ils sont aussi vendus comme un bon moyen de toucher les jeunes, dont les enfants, pour qui les images animées sont encore plus attirantes. On nous a rapporté l’histoire de parents qui retrouvait leur petite fille à la fenêtre, regardant l’écran du Monoprix d’en face.

Nous avons reçu de JCDecaux Nantes des informations sur ces panneaux. Malgré leur besoin de se conformer aux normes et de devoir se rendre le plus vert possible pour des raisons d’image de marque, force est de constater que ces écrans ne passent pas. Leur consommation électrique, aussi optimisée soit elle reste incohérente vis à vis de ce qui est demandé en termes de sobriété aux citoyens.

Le constructeur vante que de nouveaux équipements sont moins polluants plus efficace. Très bien, mais quel est le coup de la construction de nouveaux équipements quand on sait la pollution engendrée par l’extraction des matériaux nécessaires à la fabrication d’écrans. On veut nous faire croire que bientôt on gagnera de l’énergie et dépolluera avec ces nouvelles technologies incroyablement nouvelles.

En fin de vie, l’entreprise affirme que « 100 % de nos écrans en fin de vie sont recyclés par EcoLogic, organisme agréé par l’État », pourtant des experts du cycle de vie et du recyclage, étonnés de ces prouesses nous ont indiqué que les écrans n’étaient que très peu recyclables.

C’est finalement leur nature intrusive qui les rend si désagréable. Nous sommes déjà confrontés à des écrans à longueur de journée, pour le travail ou nos loisirs ; l’espace public doit être un espace apaisé, sans sollicitation forcée. Le citoyen doit garder une certaine liberté de réception, qui lui est interdite par ces panneaux. Et la beauté des images rendra difficile leur contribution à la qualité de vie.

C’est pourquoi nous recommandons tout simplement leur interdiction.

De manière plus général il serait bien d’interdire la publicité lumineuse (les dispositifs éclairés par transparence ou par projection), à minima d’imposer une extinction entre 21 h et 6 h.

Les enseignes et vitrines

Un travail de pédagogie que nous saluons est mené par Plein Centre afin d’accompagner les commerçants vers des comportements plus responsables au niveau des extinctions de lumière. Afin que ces actes soient réalisés par tous les commerçants, nous proposons d’inscrire dans notre RLP un exigence d’extinction 1 h après la fermeture du magasin, jusqu’à 1 h avant l’ouverture.

Les enseignes et pré-enseignes quant à elle doivent respecter des contraintes de style pour s’intégrer dans le paysage sans créer de dystonie commerciale comme c’est parfois le cas en traversant des zones de commerces de grand magasins. Et suivant ces conditions :

  • Le nombre d’enseignes scellées au sol ou fixées directement sur le sol est limité à 1 par raison sociale et par rue.
  • L’enseigne doit s’inscrire dans un carré de 0,80 m × 0,80 m, avec une épaisseur ne dépassant pas 10 cm, sauf objet figuratif en volume.
  • La hauteur d’implantation (hauteur entre le sol et le haut de l’enseigne) ne doit pas dépasser 3 m.
  • Les spots sont interdits. Ou les spots sont autorisés s’ils ne présentent pas de bras de déport et ne sont pas de type micro-projecteur

Transparence

À des fins de contrôle citoyen et d’informations de l’occupation de l’espace publique, nous souhaiterions qu’un accès soit rendu possible aux données d’affichage. En particulier les emplacements des mobiliers urbains.

Application de la loi

Nous sommes attentifs aux libertés que prennent certaines marques avec la loi de l’affichage. Entre 2019 et 2020, de nombreuses marques (dont le Slip Français, Seloger.com, The Wizard’s Shop …) se sont payés des campagnes de pub à pas cher sur les panneaux d’affichage libre, emplacements qui leurs sont interdits puisque sont réservés à la communication non commerciale, politique, ou culturelle. Ce sont les rares lieux d’expressions dans l’espace public pour des structures non commerciales ou limitées en ressources, il faut les respecter.

Une des marques ayant collé ses affiches illégalement nous a dit l’avoir fait « car tout le monde le fait ». Cela se développe car la loi sanction n’est jamais très dure, si tant est qu’elle soit appliquée. Nous demandons à ce que pour ces types d’infractions, ainsi que pour d’autres (support illégal, enseignes illégales, publicité au sol …) la loi soit appliqué et des sanctions financière dissuasives prises. Pour cela, faut-il un bureau dédié, un interlocuteur dédié, des agents de police formés ?

Conclusion

La refonte de ce RLP et son extension à la métropole doit être l’occasion de faire correspondre les enjeux sociétaux et environnementaux aux nécessités et tendances actuelles. La publicité promeut encore aujourd’hui un modèle de surconsommation, qui n’est à notre avis pas un modèle d’avenir. Pour orienter notre ville vers un avenir soutenable, limitons la place de la publicité.

Pour un espace public apaisé, non soumis sans cesse aux injonctions publicitaires, rendons-le aux citoyens et non aux consommateurs.

Par ce RLPm, Nantes métropole a aussi l’occasion de prendre des décisions fortes, notamment sur l’interdiction de la publicité numérique, que d’autres villes avant n’ont pas su prendre. C’est le moment du pas de côté, en attendant de se faire emboiter le pas.

Ce cahier a été rédigé avec l’aide du rapport Big Corpo. La plupart des chiffres et donnés cités en sont extraits. Sinon, ils proviennent de sources collectées lors d’échanges dans le cadre de nos actions.

Nous tenons à disposition un RLP idéal, général et couvrant la plupart des supports publicitaires, à adapter à la métropole.

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